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Arnaud Bertrand,
Sinologue &
Directeur exécutif - AFAO

Définir Arnaud Bertrand n’est pas simple car c’est un homme à plusieurs casquettes, moteur énergique de nombreux projets dans diverses directions. Le plus simple serait de le décrire d’abord par sa formation. Archéologue, docteur en sinologie, spécialiste des relations entre le monde chinois et centre-asiatique dans l’antiquité, Arnaud Bertrand est un homme de terrain qui aura passé une partie de sa vie de chercheur en Asie, aux Etats-Unis et en Europe. Rattaché au laboratoire : “ArScAn” - Archéologie de l’Asie centrale, il participe à de nombreuses missions archéologiques et  traductions de textes anciens. Naturellement enclin au partage du savoir et à repousser ses connaissances, il est auteur pour la célèbre chaîne Nota Bene sur Youtube,  enseigne à la Faculté  à l’Institut Catholique de Paris tout en cumulant la charge de directeur exécutif à l’Association Française des Amis de l'Orient (AFAO). C’est dans ce contexte qu’il rejoint le board du Printemps Asiatique, en tant que responsable des activités culturelles depuis 2022.

Depuis l’année dernière vous êtes en charge de la programmation culturelle du Printemps Asiatique, pourriez-vous nous en dire plus sur votre ambition pour cette nouvelle édition ?

Le Printemps Asiatique s’est installé progressivement comme un temps fort de la connaissance des civilisations asiatiques sur Paris. L’édition précédente avait marqué un changement notable par rapport aux années précédentes. Plus de 40 événements (conférences, visites, tables rondes, ateliers, séances immersives) avaient réussi à conquérir un public national et international. 

 

Cette année il fallait donc confirmer cette belle notoriété, Paris étant devenu un lieu d’accueil de ces fameuses Asian Art Week comme c’est le cas à Londres ou à New-York, mais aussi innover. L’idée nous est venue de développer un programme destiné à faire connaître des lieux particulièrement méconnus sur Paris (George Clémenceau, Musée de la Philharmonie de Paris, Fondation Custodia…), tout en enrichissant le public par des visites dans les musées associés aux arts asiatiques (musée national des arts asiatiques - Guimet, musée Cernuschi, musée du Quai Branly - Jacques Chirac, musée des arts décoratifs), et des ateliers avec Drouot. 

 

Autre axe essentiel, de conduire le public dans tous les lieux partenaires avec le Printemps Asiatique, et en particulier dans les galeries d’arts contemporains (Ye Xingqian, Arnaud Lebecq) et d’arts anciens (Ortega, Brugier, Toit du Monde). Notre public est international et transgénérationnel. Nous devons donc faire venir des personnes de différents milieux, faire découvrir autrement la ville de Paris sous le prisme des arts d'Asie. 

 

Enfin, les tables rondes et conférences du soir sont l’occasion de créer la rencontre entre experts et amateurs de sujets divers. Nous nous associons à la Cité de l’architecture et du Patrimoine pour une table ronde sur l’avenir des musées d’arts d'Asie dans le monde avec Guimet, l’EFEO, ACA-Project et l’Asia Collections Network - Europe. Autre sujet qui cartonne, la haute couture et la mode dans les influences croisées asie-occident. Ce fut l’occasion de nous associer à Aurélie Samuel pour développer à Guimet une table ronde avec la participation des maisons de coutures Dior et Yves Saint-Laurent.

Revenons un peu sur votre parcours. Pourquoi cette spécialisation en histoire de la Chine ?

J’ai commencé par un parcours classique d’histoire de l’art et archéologie à l’Université Paris-IV Sorbonne. Au terme de ma licence, on m’a suggéré de m’intéresser à l’Asie centrale, au Xinjiang (sujet relativement peu étudié par rapport aux arts florentins auxquels je me prédestinait alors). J’ai combiné mes compétences avec l’apprentissage du chinois pendant 3 années à l’INALCO.

 

J’ai eu l’opportunité de partir ensuite à Yale pendant une année pour développer mes recherches. J’ai beaucoup voyagé en Chine du Nord avec les chercheurs et archéologues américains de Yale, Harvard et Columbia. C’est là que j'ai compris que pour écrire ma thèse, il fallait que je passe beaucoup plus de temps sur le terrain, à travailler avec ce que seront mes futurs collègues chinois, et de prendre en compte toutes les sources à ma disposition. 

 

A mon retour de Yale, j’ai donc été associé à la mission archéologique franco-ouzbek de bactriane pour fouiller sur les vestiges des cités grecques, kouchanes (post-Alexandre le Grand), sous la direction de Pierre Leriche. J’y suis resté pendant plusieurs années, savourant les bienfaits de la vie locale. Puis j’ai fouillé dans le Ferghana en Ouzbékistan et j’ai prospecté de très nombreuses années avec l’Institut de recherche de Dunhuang (nord-ouest de la Chine), et les centres de recherches du Gansu. Bref, j’ai toujours été de part et d’autre du Pamir entre le Taklamakan d’un côté, le Gobi à l’est et la Bactriane à l’ouest, dans ces mondes connectés qui à jamais m’animent dans mes constructions de pensées. 

 

Pour répondre à votre question sur ma spécialisation sur la Chine, en fait, je ne suis pas un passionné de la Chine, ce qui m'intéresse a toujours davantage été de me poser des questions, de repousser mon savoir. Mon premier rapport avec la Chine est lié à la pratique des arts martiaux. J’ai été baigné dans la pratique de la boxe Shaolin du Nord et du Sud (Kung Fu traditionnel). J’ai un bagage de 13 années de pratique en Sanda, du combat de self-défense. J’ai appris avec un maître chinois, ce rapport de maître à élève a été pour moi assez fascinant. J’ai beaucoup appris sur la culture chinoise par ce biais là.

Que retenez-vous de ces moments passés sur le terrain en Asie ?

On peut écrire sa thèse en bibliothèque ou sur les bancs de la fac mais quand on fait de la recherche de terrain, le plus important c’est ce dialogue avec les collègues sur place. On parle de tout, en fait ça simplifie le discours parce qu’ils connaissent parfaitement le terrain.

 

Mes moments les plus forts ont toujours été avec ceux qu’on appelle les “ouvriers”. Ce sont des fouilleurs quasiment professionnels et sont très jeunes. Ce sont des lycéens ouzbeks qui ont le choix entre faire les champs de coton l’été ou des fouilles archéologiques. Le choix est très vite vu. Ils sont experts, ils sont aussi très bienveillants. J’avais vraiment l’impression d’apprendre avec eux, plutôt qu’être celui qui donnait les informations. La réalité c’est la terre, ce qu’on touche. Tout l'aspect théorique des grandes civilisations, des grands empires, in fine, c’est juste des briques, des murs, des morceaux de céramiques éparpillées et parfois une pièce grecque qu’on parvient à déchiffrer après l’avoir trempé dans du coca-cola un soir après une bonne journée de fouille. Tout cela est très difficile à expliquer et à comprendre. On est avec des gens qui n’ont pas ce bagage théorique, mais quand ils sont sur le terrain, ils comprennent. Quand on écrit une histoire, c’est par rapport à ce qu’on voit.

Quelques anecdotes à nous raconter ?

J'ai passé beaucoup de temps à voyager avec un de mes très bons ami et collègue, Li Junming, de Dunhuang pour retrouver des sites anciens. On voyageait en 4x4, on était dans le désert de Gobi et j’étais le seul à savoir à peu près à quoi devrait ressembler cette forteresse plantée dans le désert. On se perdait constamment. Une fois, on arrive au niveau d’une très très haute montagne, et je lui montre une tour, qui a l’air intéressante, mais qui se trouve tout en haut. Mon collègue chinois qui a littéralement 30 années de plus que moi me dit : “Très bien, on y va!”. Je lui répond “On y va là, maintenant? parce qu'on n'est pas équipés quand même, il y a un petit peu de neige au-dessus. Il me dit nan t’inquiètes pas c’est basse altitude.” Donc on y va. Le chauffeur nous a arrêtés, il est reparti. La j’ai vu le bout de ma vie arriver parce que j’étais avec mon sac à dos et peut-être la moitié d’une bouteille d’eau. On est monté jusqu’en haut pendant 3 heures, il faisait très froid, pour tomber sur une tour qui datait d’il y a à peu près 50 ans. 

Cela pour dire que ça fait partie des risques du métier de se tromper quand on cartographie.

Pouvez-vous décrire l'AFAO et nous parler un peu de vos missions ?

Après ma thèse j’ai pris la direction exécutive de l’Association Française des Amis de l’Orient (AFAO), une association qu’à vrai dire je ne connaissais pas bien. Mais au fur et à mesure de mes missions de responsable de la programmation scientifique, j’ai découvert une structure qui avait finalement œuvré à la transmission du savoir sur les civilisations orientales et asiatiques depuis la fin de la première guerre mondiale. L’AFAO avait comme ambition dès les premières heures de servir de pont de transmission entre les spécialistes et les “amateurs éclairés”. Elle organisait la programmation culturelle du musée Guimet, tenait des journées d’études, des spectacles, des concerts (elle disposait même d’un partenariat avec un label d’une maison de disque de vinyle en musique Indienne dans les années 1970). Elle était l’une des premières à lancer des voyages de groupe en Asie après la Seconde Guerre mondiale, un peu partout, jusqu’à même atteindre l’Irak quelques mois avant l’arrivée des américains en 2001.

 

Dans les pas des orientalistes les plus célèbres de leur temps, Paul Pelliot, Sylvain Filliozat, Joseph Hackin, Jean Buhot, Pierre Gentelle, je devais donc continuer à faire connaître les actions de “passeurs de savoirs” auprès d’un public large. Les partenariats avec les musées, instituts culturels, universités semblaient être les premières pistes à développer, afin de renforcer la mise en place de programmations communes. Bien sûr il y a eu 2020 qui a forcé l’AFAO, comme bien d’autres associations, à se distinguer par des conférences en ligne, à défaut de faire voyager. 

 

Il faut savoir surtout que le trésor de l’association repose sur les conférenciers culturels, en particulier ceux qui guident des voyages, et les bénévoles. Ces personnes sont très attachées à l’association, et dialoguent avec les adhérents pour assurer un lien constant. Mon rôle est donc d’offrir des thèmes aussi bien larges que précis pour que tout le monde s’y retrouve, tout en articulant une stratégie permettant à l’AFAO de rythmer la semaine d'activités diverses, de se rajeunir dans sa structure, sa communication et ses liens avec le monde actuel. 

 

Pour cela, il faut étendre un réseau pour faire bénéficier les adhérents de tout ce qui se passe en France et en Asie. Mes cours à l’Institut Catholique de Paris y contribuent fortement de même que tout ce que je fais à côté. Finalement, je passe mon temps à tisser un réseau pour faire bénéficier différents publics, aider les chercheurs à se faire connaître, les doctorants à s’affranchir du carcan universitaire parfois trop fermé. 

 

J’aime créer, imaginer l’impossible, c’est ce qui me porte encore aujourd’hui dans mes missions

J’ai vu que vous travailliez avec la chaîne Youtube “Nota Bene”, pouvez-vous nous parler de cette collaboration ?

Oui c’est une collaboration à laquelle je tiens. Elle s’est développée en 2020 quand il fallait aussi trouver un échappatoire au covid-19. Benjamin Brillaud et moi, nous nous sommes tout de suite bien entendus. J’ai écrit de nombreux textes sur la Chine et maintenant sur les civilisations orientales et asiatiques. Les internautes semblent bien apprécier les sujets que nous proposons (parfois plus d’un million de vues), et ça me permet de tenter d’autres thèmes (comme la découverte d’un bouddha en Suède, ou l’histoire d’une colonie égyptienne en Chine). Les internautes sont aussi très durs, et vous reprennent à chaque erreur. Ça change des étudiants qui ne posent aucune question!!

Une découverte qui vous a marqué ?

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La découverte sur le site de Termez en Ouzbékistan, d’un emblêma représentant un jeune Héraclès terrassant un géant anguipède.

 Le médaillon (emblêma) Secteur central ouest

200 x 180 x de 20 à 40 mm.

jeune Héraclès repoussant un géant anguipède. Bâtiment Koushan de Termez sur Oxus (S. de Pontbriand, P. Leriche : 2012

Votre dernier coup de cœur artistique ?

L’exposition  “Kimono” au musée du Quai Branly-Jacques Chirac: sublime !

Un ouvrage qui vous a marqué ?

La fin de l’homme rouge, de Svetlana Alexievich.

Quel prochain sujet souhaiteriez-vous traiter ?

L’histoire des communautés juives en Chine.


 

POUR EN SAVOIR PLUS :

Site officiel de l’Association Française des Amis de l’Orient : Voir

Prochains voyages AFAO: Découvrir

Prochaines conférences AFAO : Découvrir

Prochaines visites guidées AFAO : Découvrir

 

Arnaud Bertrand x Nota Bene : 

Les origines de la Grande Muraille de Chine

La Cité Interdite - Histoire de la Chine

La Chine est-elle une colonie égyptienne ? 

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