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Philippe Boudin

La Galerie Mingei, spécialisée dans les arts anciens et les arts décoratifs contemporains du Japon, est située au cœur du quartier parisien de Saint-Germain-des-Prés. Dirigée par Philippe Boudin et sa fille Zoé Niang, la galerie est réputée pour ses expositions thématiques et ses monographies consacrées à des artistes. La Galerie Mingei est membre du Comité professionnel des Galeries d’Art.

Pourriez-vous nous décrire votre parcours ? Pourquoi avez-vous choisi cette spécialisation dans l’art japonais en particulier ?

J’ai un parcours tout à fait atypique. Je suis un ancien journaliste qui, par les hasards de la vie, est devenu créateur et directeur d’une ONG spécialisée dans la traite des êtres humains. Comme journaliste, j’ai beaucoup travaillé et voyagé en Asie. Parallèlement, j’étais “Human rights activist” sur les problématiques de traite d’êtres humains, ce qui m’a amené à  travailler au Népal sur un programme de protection de la traite des petites filles népalaises condamnées à rejoindre les bordels indiens. A côté de mes activités, à la fois de journalisme et d’ONG, j’ai petit à petit collectionné des objets de toutes ces régions. Après six ou sept ans impliqué avec les ONG, j’ai décidé d’arrêter et je suis devenu directeur en chef du magazine Tribal pour l’Europe pendant plusieurs années. C’est ainsi que je suis arrivé dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, triangle d’or des arts extra-européens. J’ai réalisé ma première exposition en freelance en 2002, en louant une galerie dans la rue Visconti. Petit à petit, j’ai multiplié les expositions, puis arrêté de travailler pour Tribal Magazine et j’ai décidé de devenir galeriste en 2014. Au départ, je proposais à la fois de l’art himalayen, d’Asie du Sud-Est, chinois puis j’ai glissé vers l’art japonais car c’était une esthétique qui me convenait beaucoup plus.

Au mois de juin, cela fera 10 ans que j’ai ouvert cette galerie que je dirige avec ma fille Zoé Niang. Depuis deux ans, nous avons agrandi notre espace avec une seconde galerie qui jouxte la nôtre, rue Visconti.

Pourriez-vous nous décrire votre galerie ?

La galerie présente à la fois des objets anciens, les plus anciens étant des objets d’archéologie japonaise, de culture Jōmon pour laquelle il est rare de trouver de très bonnes pièces, mais aussi des compositions contemporaines, dès lors que les artistes avec lesquels nous travaillons ont un pied ancré dans la tradition. C’est ainsi que la galerie s’est spécialisée dans l’art du bambou au Japon, offre pour laquelle nous sommes pionniers en Europe.

Parmi les autres spécialités de la galerie, il y a bien entendu des objets purement Mingei, les premiers que nous avons proposés au début, d’où le nom de la galerie. Aujourd'hui, nous avons vraiment élargi nos spécialités. Par exemple, nous présentons aussi régulièrement des masques de théâtre Nō et également beaucoup d’objets liés à la culture bunjin, la culture des lettrés japonais, dont font partie ces fameuses vanneries en bambou.

 

La galerie ne propose pas simplement de la vannerie de bambou, nous travaillons aussi avec d’autres artistes contemporains, céramistes, qui travaillent le métal ou encore la laque, cela sera le sujet d’une prochaine exposition notamment pendant le Printemps Asiatique. Nous allons présenter des œuvres contemporaines de jeunes artistes laqueurs émergents. L’intérêt de la galerie étant aussi de proposer des artistes qui ne sont pas encore reconnus internationalement mais qui ont un fort potentiel et que nous souhaitons soutenir. Nous allons donc proposer les œuvres de 5 artistes japonais et chinois résidents au Japon, créant des œuvres pour l’essentiel non fonctionnelles, de véritables sculptures, qui je pense étonneront le public.

Votre galerie a réalisé de nombreuses expositions en collaboration avec des musées, pouvez-vous nous en dire plus ?

 

Nous avons réalisé notre première exposition entièrement consacrée à la vannerie japonaise il y a une quinzaine d’années. Nous avons progressivement intéressé les institutions muséales, à commencer par le musée du Quai-Branly avec lequel nous avons réalisé l’exposition “Fendre l’air. Art du bambou au Japon” en 2018. Cette exposition a rencontré un succès inattendu compte tenu du fait que l’art du bambou était peu connu, ignoré voire méprisé. Lorsque l’on a présenté les premières vanneries, elles étaient réduites à de simples “paniers” de façon dédaigneuse. Les temps ont bien changé !

Nous avons également collaboré avec le musée Guimet à plusieurs reprises, notamment en faisant des cartes blanches sur deux artistes. La première avec Tanabe Chikuunsai IV qui avait réalisé une sculpture monumentale en bambou de 5 mètres de haut sous la grande coupole du musée Guimet.

02 - Carte Blanche Tanabe Chikuunsai IV photo Tadayuki Minamoto (c) cortesy galerie Mingei

Carte Blanche à Tanabe Chikuunsai IV - 2016

Godai

Sculpture monumentale en bambou

Musée Guimet - Paris

Photo Tadayuki Minamoto © courtesy Galerie Mingei - Paris

La seconde avec Toshimasa Kikuchi, artiste sculpteur et laqueur, qui a présenté une installation de ce qu’il appelle des “needles” : des sculptures en cyprès japonais laqué, qui sont inspirées d’une formule mathématique projetée en trois dimensions que l’on appelle la surface de Kuen. Cette formule vient du nom de Théodore Kuen, mathématicien allemand du XIXe siècle, qui a créé cette forme d’après une équation mathématique et qui est considérée comme la forme la plus pure qu’il soit. Cela a donné lieu dès la fin du XIXe et début du XXe siècle, à la réalisation d’objets mathématiques en bois à des fins d’enseignement et ces objets ont d’ailleurs fasciné les surréalistes dans les années 20-30, en particulier Man Ray qui les a photographiés et en a fait des peintures.

03 - Carte Blanche toshimasa Kikuchi Photos Thierry Ollivier (c) courtesy MNAAG - Paris.jp

Carte Blanche à Toshimasa Kikuchi - 2021

Needles

Installation

Photos Thierry Ollivier (c) courtesy MNAAG - Paris

Toujours en collaboration avec le musée Guimet, nous avons réalisé en 2021 l’exposition “Simplicité japonaise” avec en partie des collections du musée. Cette exposition est restée assez confidentielle car nous étions malheureusement confrontés au deuxième confinement.

Nous essayons de collaborer régulièrement avec des institutions muséales en France comme à l’étranger. A Genève, à la fondation Baur, nous avons réalisé l’exposition “Eloge de la lumière, Pierre Soulages - Tanabe Chikuunsai IV” en 2022, une sorte de confrontation esthétique. Cela a eu un succès énorme, sans doute la meilleure exposition du musée en termes de fréquentation depuis son ouverture.

Nous travaillons actuellement sur une exposition pour le mois de juillet 2024 au musée d’art asiatique de Nice : “Plénitude du vide, art du bambou au Japon”. Cette exposition proposera environ 80 œuvres, depuis la naissance de cet art au Japon dans la deuxième partie du XIXe siècle jusqu’à nos jours.

 

La Galerie Mingei a lancé son premier prix en 2021, le Mingei Bamboo Prize. En quoi consiste-t-il ?

 

Nous avons en effet créé, en collaboration avec le musée Guimet pour sa première édition, le Mingei Bamboo Prize en 2021. Tous les deux ans nous faisons un appel à des artistes japonais qui travaillent le bambou. Cela reste pour le moment destiné à des artistes japonais, mais notre ambition est de l’élargir à d’autres nationalités. La première édition, qui a récompensé l’artiste Tanabe Chikuunsai IV, a été exposée au musée Guimet, conjointement à autre exposition, présentant l’art du bambou au Japon sous toutes ses formes, depuis les œuvres traditionnelles et fonctionnelles liées à l’ikebana, jusqu’aux sculptures contemporaines qui n’ont pas de fonction.

Pour la deuxième édition, qui s’est tenue en 2023, sur les 27 artistes ayant répondu à notre appel à projet, nous en avons sélectionné 13 pour l’exposition. Nous avions constitué un jury composé essentiellement de directeurs ou présidents de musées mais également de designers, collectionneurs, et personnes venant du milieu de la mode.

 

En 2025, pour la troisième édition de ce prix, nous réfléchissons à ouvrir les candidatures à d’autres artistes de Taiwan, de Chine ou d’Asie du Sud-Est, qui proposent des choses très intéressantes en bambou. Mais peut-être est-il encore trop tôt pour cette ouverture ? Nous verrons !

 

De plus, en partenariat avec le salon le Parcours des Mondes, qui se tient en septembre, nous avons créé le “prix du public”, permettant à tout un chacun de voter pour l’œuvre de son choix pendant l’évènement. Il est intéressant de noter que le public a voté pour une œuvre totalement différente de celle choisie par le jury !

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Prix du jury 2023

HAYASHI Jyunpei (né en 1991)

Sakai, région du Kansai (préfecture de Osaka)

Disciple de Tanabe Chikuunsai IV

RYUSEN (Rationaliser) 

2022

Bambou madake et rotin

87 x 26 x 25 (h) cm

Photo Tadayuki Minamoto

© courtesy Galerie Mingei - Paris

Prix du public 2023 (sera exposé au ADI, musée du design de Milan)

ICHIKAWA Youna (née en 1988)

Sakai, région du Kansai (préfecture de Osaka)

Disciple de Tanabe Chikuunsai IV

BAIKA SŌSHUN (Fleur de prunier au début du printemps)

2022

Bambou madake et rotin

40 x 36 x 30 (h) cm

Photo Tadayuki Minamoto

© courtesy Galerie Mingei - Paris

Un objet phare ?

Parmi les artistes de laque, nous allons présenter des œuvres de l’artiste Hiroshi Kaneyasu. Cet artiste vient d’être sélectionné pour le Loewe Craft Price 2024, prix international des arts et de l’artisanat de Loewe qui chaque année sollicite 4000 artistes dans le monde entier. Ces artistes proposent une œuvre, 30 sont sélectionnés, dont cette année Hiroshi Kaneyasu. Ce dernier est déjà exposé à la galerie depuis un moment, c’est un jeune artiste que j’ai rencontré pour la première fois, il y a un an environ à Kanazawa.

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Hiroshi Kaneyasu (né en 1991)

Formation de couleur laminée 20-1

Laque urushi, plâtre, lin et mailles métalliques

2020

18 x 13 x 66 (h) cm

Photo Tadayuki Minamoto © courtesy Galerie Mingei - Paris

Nous sommes également très fiers d’avoir vendu le chef-d’œuvre absolu de l’art du bambou il y a un an : une œuvre de Tanabe Chikuunsai I (1877-1937) intitulée “Ryū-Rikyō”. Une œuvre qui avait par ailleurs obtenu un prix en 1925 lors de l' Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris. Grâce au prêt du collectionneur, cette œuvre sera exposée à Nice à nouveau (elle l’avait été en 2018 lors de l’exposition au Quai-Branly “Fendre l’air. Art du bambou au Japon”).

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Tanabe Chikuunsai I (1877-1937)

Hanakago Ryū-Rikyō

Vannerie florale en bambou susudake et madake, rotin et laque

Médaille de bronze, Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris, 1925

31,5 x 31,5 x 58,5 (h) cm

Photo Tadayuki Minamoto

© courtesy Galerie Mingei - Paris

Votre dernier coup de cœur artistique ?

Mon dernier coup de cœur artistique est la laque. Lors d’un précédent voyage au Japon, c’est la découverte d’un nouvel univers. Même si je connaissais la laque traditionnelle japonaise, le maki-e, takamaki-e, les incrustations de nacre raden, je n’avais pas encore rencontré d’artistes qui faisaient une proposition résolument abstraite, non fonctionnelle, travaillant les matières avec autant de génie.

 

 

Une exposition qui vous a marqué ?

 

Au cours de mon dernier voyage au Japon, au musée d’art de laque de Wajima, j’ai vu l'exposition internationale Urushi d'Ishikawa, une rétrospective qui présentait une sélection d’œuvres contemporaines en laque d’une cinquantaine d’artistes et ce, trente ans après les premières propositions artistiques totalement abstraites de certains d’entre eux. Cette exposition était selon moi absolument fabuleuse, malheureusement la région a été frappée par un terrible tremblement de terre. Le musée n’a pas été trop affecté mais la région est détruite alors je doute qu’elle subsiste comme un pôle pour la production d’œuvres en laque urushi à l’avenir…

 

 

Vos futurs projets ?

 

Nous développons avec l’artiste Tanabe Chikuunsai IV la production d’œuvres monumentales. Nous venons d’en réaliser une à l’île de Bahreïn dans le golfe arabo-persique et nous en ferons une autre à Séoul au mois de juillet. Nous en avions fait une à Barcelone juste avant la fin du Covid et en prévoyons également une autre à Madrid. Certaines de ces sculptures monumentales en bambou sont éphémères, comme celle qui avait été installée à Guimet. Pour celle qui se trouve depuis trois ans à la Fondation Baur à Genève, nous ne savons pas encore si elle sera démontée un jour. Une partie des tiges de bambou des œuvres éphémères démontées peut être utilisée par l’artiste pour une prochaine installation. Cependant, les futures productions seront sans doute plus pérennes, prévues pour rester en place entre 10 et 20 ans.

 

Tanabe Chikuunsai IV est l’artiste ayant la plus grande visibilité internationale, il expose dans le monde entier et a notamment exposé au MET, à Los Angeles ou encore San Francisco. Il est ancré dans la tradition puisqu’il est la 4e génération dans la famille Tanabe. Il y aura d’ailleurs une cinquième génération, l’un de ses trois enfants deviendra sûrement le Chikuunsai V. Son arrière-grand-père, Tanabe Chikuunsai I, est l’un des pères fondateurs de l’art du bambou au Japon, lui-même étant un bunjin, un lettré pratiquant la calligraphie, l’art de l’ikebana et l’art du thé.

 

Tanabe Chikuunsai IV, tout en gardant un pied dans la tradition, a su ouvrir l’art du bambou à l’art contemporain, notamment à travers ses installations. Il est le premier à faire de telles œuvres monumentales en bambou au Japon, faisant écho à la vannerie traditionnelle. Son père avait déjà ouvert la voie à l’art contemporain avec des œuvres, qui dès le début des années 70, ont été  exposées au musée d’art moderne de Tokyo. L’une de ses œuvres sera également présentée pour l’exposition “Plénitude du vide, l’art du bambou” prévue pour le mois de juillet au musée des arts asiatiques de Nice, dont je serai le co-commissaire.

 

 

En savoir plus : 

 

 

Galerie Mingei

5, rue Visconti 75006 Paris

mingei.arts.gallery@gmail.com

 

 

Musée du Quai-Branly

27 novembre 2018 - 07 avril 2019

 

Fondation Baur

17 novembre 2021 - 27 mars 2022

 

Musée national des arts asiatiques - Guimet

 

 

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